Parmi les nombreuses questions quon se pose avant de lancer un processus de transaction, il y en a deux qui reviennent souvent :

  • Quelle option choisir entre la leve de fonds et la recherche dun partenaire stratgique ?
  • Est-ce le bon timing pour aller sur le march ?

Ces deux questions sont cruciales car les choix quelles impliquent sont dterminants pour lentreprise, ses dirigeants et ses actionnaires.

1) Quelle option choisir ?

Ds latteinte dun certain stade de maturit, lentreprise doit elle choisir de rechercher des fonds pour se dvelopper (internationalisation, nouveau produit, acquisition, profitabilit etc.), devenir un acteur de taille plus significative sur son march, parier sur lavenir (gagner plus) ou bien envisager une sortie industrielle pour engranger lacquis ds que paraissent les questions critiques de stratgie et dvolution.

Il ny a pas de rponse simple. Toute entreprise nest pas ligible la sortie sans un minimum de « mile stones » franchis : positionnement march, diffrentiateurs, clients, technologie, reconnaissance (visibilit / crdibilit) etc. Autant dlments qui en font une cible potentiellement attractive.

Sans vouloir dpartager les options leve de fonds / sortie, ce qui parat impossible sans une tude de chaque entreprise concerne, nous proposons quelques cls dapprciation.

Si loption dveloppement a pour elle de fournir de nouvelles perspectives, elle repose ncessairement sur un pari davenir et lhypothse dun meilleur rendement des capitaux investis. Cependant elle expose lentreprise plusieurs risques peu matrisables et de nature diffrentes.

  • Les risques oprationnels : comment tre certain que les prochaines tapes seront aussi bien excutes que jusqu prsent ? Ce qui a fait ses preuves dans une configuration donne (quipe, march, produit) peu savrer catastrophique dans une configuration lgrement diffrente (international, quipe largie, segmentation march).
  • Le risque march : il est difficile (voire impossible) de prvoir les volutions dun march (les analystes se trompent rgulirement), ses nouveaux entrants, ses ruptures technologiques, lvolution des « business models ». Conserver un positionnement clair et diffrenciant tient alors de la gageure.
  • Le risque de dilution capitalistique: une leve de fonds est souvent « chre » en capital mais elle peut le devenir encore plus si les chiffres attendus ne sont pas au rendez-vous. Le destin de lquipe fondatrice devient prcaire.
  • Le risque de la consolidation: « les meilleurs partent les premiers » ; ce nest pas une pitaphe, mais un constat fusions et acquisitions dans chaque march qui se consolide (o les acteurs se rapprochent). Ainsi une entreprise qui lve des fonds une certaine valorisation, sera tente de refuser une offre au prix du march, pnalisante pour une catgorie dactionnaires ; elle risque de laisser passer le train de la consolidation des pionniers, ce qui loblige continuer leffort de croissance pour finalement une valorisation sans doute peu significativement suprieure celle donner aux pionniers dun march.
  • Le risque Kryptonite : chaque dirigeant est quelque part « Superman » ; il ne craint rien, surfe sur son succs et se croit indestructible ; dans lombre guette la Kryptonite qui lui enlvera tous ses pouvoirs et le ramnera sur terre. Cette mtaphore amusante traduit lensemble des risques quon ne peut matriser : cest lessence mme de lentreprise (venture). Mais cest aussi un rappel au classement de ses priorits.

Si la recherche dun partenaire stratgique fait rver car elle permet denvisager de changer de vie ! (les dirigeants dentreprise de software sont parmi les plus intelligents du monde mais aussi bien souvent les plus pauvres), elle nest pas exempte de risques

Le « defocus » notamment les dirigeants passant beaucoup de temps au processus de transaction ce qui peut entraner une baisse de lactivit ; ou encore la publicit autour dune possible opration qui pourrait profiter aux concurrents ; puis le dpart de personnes cls qui auraient eu vent de lopration en cours et qui partent se rfugier ailleurs vidant de sa substance lentreprise

Cependant ces risques sont contrlables ds lors que le projet est confi une quipe professionnelle qui sait les grer et met en uvre un processus prouv. Alors quel risque rel prend-on se lancer dans un processus de transaction ? Sans doute celui de ne pas vendre au bon prix, de ne traiter quavec un seul acheteur (« de laisser de largent sur la table »). Mais l encore, ces risques sont matrisables par lquipe en charge.

Lorsque les actionnaires dcident dun processus, lissue est relativement binaire : au mieux ils vendent au prix propos ; au pire ils ne vendent pas. Mais alors dans ce cas quoi a servi le processus ? Nest-ce quune perte de temps et dargent ? Ce nest bien sr pas notre avis.

Un processus bien men permet de :

  • Calibrer un prix : le march est souverain pour calibrer le prix dune entreprise et donner des indications souvent trs prcises du prix quil est prt payer ; les diffrentes mthodes de valorisation, si elles aident conforter ce prix ou au contraire lamliorer, ne sont quune vrit parmi dautres et elles restent indicatives.
  • Sinformer sur le march : un processus classique va consister contacter entre 50 et 100 acheteurs diffrents ; on observe alors les ractions, le type de question, les tendances, les positionnements adopts et les raisons pour lesquels les acheteurs stratgiques possibles « passent » (ne souhaitent pas poursuivre).
  • Identifier des partenariats technologiques / revendeurs possibles : un processus est une tribune extraordinaire pour se faire connatre dans de son cosystme ; cela gnre des opportunits dOEM, de bundle, de distribution
  • Valider son business model : comme tant celui qui fonctionne le mieux dans son cosystme ou alors au contraire dcouvrir que de nouveaux business models se profilent, plus adapts lvolution du march et pour lesquels vous ntes pas prts (License vs SaaS par exemple).

Un processus complet qui, mme sil ne se termine pas par une cession, informe et donne des cls pour agir et prendre des dcisions stratgiques souvent radicales. Passes les premires dceptions, les actionnaires agiles comprennent vite que le processus est le dclencheur dune prise de conscience de changement ncessaire et dune nouvelle stratgie.

2) Quel est le meilleur timing pour aller sur le march ?

Il ny a pas de rponse simple cette question et les raisons de vendre sont presque toutes soumises un timing propre (pour le dtail on pourra se reporter la prsentation Merge Briefing de Corum Group),

Cependant il ya des signes avant-coureurs dun bon timing. On se doit dy tre attentif car ils permettent dvaluer le degr de maturit de son « go to market », danticiper, de ne pas rater le mouvement de consolidation et mme de maximiser la valeur de lentreprise.

  • Le comportement des acteurs majeurs dun secteur: les « strategic buyers » sintressent votre domaine ; ils veulent comprendre les bnfices clients et les exigences de ces derniers, les retours dexpriences et les ROI valids ; il faut rester attentif leurs annonces, au « buzz » de leur salon professionnel.
  • Lobservation du march : certains acteurs proches de ce que vous faites sont rachets aux Etats Unis ou ailleurs ; lidentification et le suivi de 5 ou 6 entreprises de taille moyenne, proches de ce que vous faites et leur observation sur 6 ou 7 mois permet de ne pas tre pris de court: annonces, nouveaux clients, "verticalisation", partenaires, intgrateurs etc.Il faut rechercher les points communs.
  • La courbe ascendante du "Hype Cycle" (Gartner) : vos concurrents directs (ceux qui vous vous identifiez ou que vous rencontrer chez vos prospects) sont dans la courbe ascendante du « Hype Cycle ».
  • Une croissance rgulire forte au-del de 50% combine un passage de cap : atteindre 5m€ de chiffres daffaires fait entrer lentreprise dans le Top 100 franais des diteurs de logiciel. Cette performance reste « rare » si lon considre que le nombre dentreprises en dessous du seuil est proche de cinq mille. Il vaut mieux tenter de vendre 3m€ aprs trois ou 4 ans de croissance que de risquer deux trois ans de croissance « flat » et que le march sencombre dacteurs identiques « rendant » les diffrentiateurs moins lisibles.
  • Lanalyse de limpact de votre solution sur la chane de la valeur de lcosystme : qui sont les acteurs que votre solution va le plus aider dans leur propre chane de valeur ? Il faut identifier qui profitent le plus un accord avec un intgrateur / distributeur par exemple ? Si Atos intgre votre offre car elle permet de vendre plus facilement SAP, ce nest pas Atos mais SAP qui amliore le plus sa chane de valeur car les autres intgrateurs suivront le mouvement.
  • La croissance du chiffre daffaires lexportation: rechercher du chiffre daffaires lexportation est un signe caractristique du timing ; pour linternational, il faut des capitaux significatifs ; si vous ne les avez pas, un partenaire stratgique peut vous y aider ;
  • La croissance du pipe : sur votre march local le pipe pondr est de 3 fois le montant du CA que vous envisagez de faire lanne en court ; le taux de transformation est dans la tranche 30/50% ; 10 20% de projets ltranger apparaissent ports par les intgrateurs partenaires sans que vous ayez de structure ltranger ;
  • Le cycle de vente se raccourcit significativement
  • Lapproche directe par un acheteur stratgique: les actionnaires sont approchs par un acteur qui teste directement un projet de rapprochement ; cest le signe que lentreprise est identifie comme disposant dun diffrentiateur majeur ; il faut sempresser de comprendre les motivations relles de cette approche pour identifier la valeur perue ; en aucun cas on ne ngociera avec ce seul acheteur au risque de perdre des leviers de valorisation. 80% des clients de Corum Group ont t approchs.
  • Ne pas attendre dtre rentable : dgager une forte rentabilit est excellent mais la limite est la croissance ; une entreprise trs rentable qui mais croissance faible ne se vendra pas forcment mieux quune entreprise lquilibre et en croissance rapide. Bien souvent, les bnfices, pour un acqureur, dpassent celui de la rentabilit immdiate ; il est dans une dmarche de "make or buy" et choisit daccaparer au plus vite le "knowledge" avant les autres.

Le dirigeant dentreprise software cre rarement son entreprise pour la lguer ses enfants. Identifier le bon timing cest souvent accepter de ne pas voir que les signes de mauvais timing et ne pas avoir peur du vide (celui que cre labsence de la responsabilit de la direction dentreprise qui vient le lendemain de la vente).

Le bon timing cest quand tout va bien, quon est au haut de la vague et que tout « sourit ».